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LE PRIEURE DE SAINT URSIN

Fondé en 1302 par l' ordre des Croisés de France

Dans une clairière de la forêt de la Motte, à 5 km au sud-est de Lignières, le lieu-dit Saint-Ursin porte le même nom que le ruisseau qui y paresse avant d'aller grossir la Gourbe, dans le département de l'Orne, après un mini-parcours de 810 m. On y découvre un pignon aux fenêtres géminées, vestige de l'ancienne chapelle de Saint-Ursin « bâtie sur l'emplacement même d'une source chaude qui passe dans le pays pour jouir de vertus miraculeuses ». Ce sanctuaire appartenait au prieuré dont il subsiste un bâtiment du XVIIe siècle, sa partie ouest ayant été rasée en 1848. La « source bouillonnante », d'abord dédiée à des divinités païennes, fut christianisée par des ermites venus se fixer à proximité pour former un ermitage de la forêt de la Monnaie. Puis les solitaires se rattachèrent à l'abbaye de Beaulieu-lès-Mans.
Au début du XIVe siècle, Guillaume de Doucelle, exécuteur testamentaire de Guy VIII de Laval en 1295, souhaitait fonder un prieuré à Saint-Ursin. « Moyennant une rente de 20 sols, assise en bon lieu près du Mans », il put obtenir « le domaine de Saint-Ursin avec toutes ses dépendances », avec le consentement de Robert de Clinchamp, évêque du Mans, le 10 septembre 1302. Il appela aussitôt les religieux de Sainte-Croix de Caen qui vinrent s'établir sur le domaine peu de temps après son acquisition. Guillaume leur donna « la Maladrerie de Couptrain avec tous usages en la forêt de la Monnaie, branche volée et arbres morts, droits de pacage en la forêt pour leurs bêtes de la mi-janvier à la mi-avril, ainsi que trois chênes annuels ». En contrepartie, les moines devaient « chanter dans leur chapelle trois jours par semaine une messe pour la rémission de l'âme du bienfaiteur ». Ils jouissaient du « droit de coustume, estalage, persage de tonneaux et autres vaisseaux, tant cidre que vin, au jour et feste de Saint-Ursin (11 juin) et en toute assemblée qui s'y pourraient tenir ». Leur dotation leur fut assurée en 1308 et confirmée, le 26 septembre 1362, dans le testament de la fille de Guillaume, Tiphaine de Doucelle.
Tout aurait continué dans le meilleur des mondes si le curé de Lignières, n'approuvant guère l'installation de cet ordre mendiant sur le territoire paroissial, n'avait réussi à obtenir de l'évêque un règlement « derrière lequel chaque parti » dut se soumettre : « Sur présentation de Guillaume de Doucelle, deux chanoines de Sainte-Croix seulement devraient désormais résider dans l'ermitage, les religieux étant astreints, en ce qui regarde l'exercice du culte, à une foule de restrictions ayant pour but de sauvegarder les prérogatives du curé de Lignières. » II va sans dire que les Pères Croisiers, qui auront beaucoup de difficulté à se soumettre à un tel statut, connaîtront de fréquentes querelles et de nombreux procès avec la cure de leur paroisse.
En 1434, le prieuré reçut des lettres de sauvegarde des Anglais. Il subit le pillage des huguenots qui enlevèrent le prieur, Jacques Dupont. Cependant l'établissement était encore prospère au XVIe siècle et pendant la première moitié du XVIIe siècle. En 1510, à la suite de donations, héritages et achats, il recouvrait une superficie de 90 ha, laquelle atteindra 120 ha un siècle plus tard. Malgré la « suppression de droit », M. Léchevin conserva son titre de prieur jusqu'en 1790. Sa maison et son domaine furent vendus comme biens nationaux, le 7 février 1791, à Jean-Baptiste-Thomas-François Julliot-Lérardière, juge au tribunal de Lassay ; il habita Saint-Ursin « quand les fonctions que la Révolution lui avaient confiées lui échappèrent ». Membre suppléant du Directoire du département, le 11 novembre 1792, il en fut nommé président, le 3 octobre 1793, par Esnue-Lavallée et Thirion. Après avoir inauguré le règne de la Terreur à Laval, emprisonné sur l'ordre de Boursault, le 17 novembre 1794, il fut transféré à Alençon, le 4 mai 1795. Il réussit à s'échapper puis à se faire reprendre avant d'être « élargi avec ses complices ».
La chapelle, d'après les restes de ses fondations, pouvait présenter une forme rectangulaire de 26 m de long sur 8 m de large. Les documents restent muets sur la date de sa construction attribuée aux frères Philippe Bouvier (6e prieur, 1433-1461) et Jehan de Hallaine (7e prieur, 1461). Elevé sur l'emplacement d'un édifice ruineux, ce sanctuaire abritait les statues de saint Ursin, saint Côme et saint Damien. En 1675, il reçut douze stalles que l'on peut voir aujourd'hui dans l'église de Couptrain. Au début du XXe siècle, il servait, depuis longtemps déjà, de fenil et d'étable. Seul son chevet, percé de « deux fenêtres géminées dans le style ogival du commencement du XIVe siècle ». a pu résister à l'effondrement qui eut lieu dans la nuit du 24 au 25 décembre 1929.
La source de Saint-Ursin naît au pied de ce chevet ; elle avait des vertus curatives et thérapeutiques et était indiquée comme source thermale sur les anciennes cartes du Maine ; en 1690, l'Intendant de Tours signalait « les eaux minérales de Lignières ».
D'après la tradition, « son eau même epandue dans les prairies environnantes ne gèle pas pendant l'hiver ». En effet, avant sa captation par Bagnoles-de-1'Orne, cette eau sortait de terre à une température d'environ 14°6. On venait alors à jeun y plonger la chemise des nouveaux-nés, celle des enfants atteints de convulsions ou de maladies de peau ou tout simplement le linge de corps personnel pour se préserver des maladies.
La source de Saint-Ursin fut l'objet d une demande en expropriation par la cité thermale de Bagnoles-de-1'Orne, en vertu d'un décret d'intérêt public daté du 2 décembre 1923. Le jury d'expropriation, convoqué le 9 novembre 1925, reçut la mission « d'évaluer l'emprise », mais la présence de cette source sur le territoire mayennais devait créer de sérieuses difficultés administratives et on raconte que Bagnoles dut faire face « à l'excessive intransigeance du préfet de la Mayenne ». La localité ornaise ne réussira à capter cette eau tant convoitée que grâce à l'intervention du président Edouard Herriot qui s'y trouvait en cure et aux « mesures radicales prises par le docteur Le Muet, maire de Bagnoles », en 1927. A cette époque, un ingénieur de Couterne, M. Auguste Bruneau, fit arriver l'eau de Saint-Ursin jusqu'à la cité thermale, distante de 13 km, « uniquement par gravitation naturelle, sans le secours d'aucun appareil de pompage, alors que la différence de niveau n'est que de 13 m ».
Le point de captation, propriété de Bagnoles, recouvrait, en 1964, une surface d'un hectare et demi. Le débit de la source accuse en moyenne 800 m3 en 24 heures mais elle est désormais cachée au regard, par des dalles de ciment.
L'abbé Albert Durand écrit en 1964 : « Actuellement trois sources sortent de l'ancien prieuré... Deux moteurs électriques envoient par pompage leur contenu dans quatre filtres métalliques contenant du gravier, du sable moyen et du sable criblé qui absorbent les corps étrangers... D'une puissance moyenne de 1100 m3, l'eau des trois sources de Saint-Ursin est utilisée pour l'alimentation et les besoins domestiques de la grande cité bagnolaise... »

SOURCES PRINCIPALES :
Abbé Angot : Sites et monuments de la Mayenne.
Abbé Angot : Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne.
Abbé Angot : Epigraphie de la Mayenne.
Archives Ouest-France ( Gilbert Chaussis).
Abbé A. Durand : Le prieuré de Saint-Ursin.
Gérard Leclerc : 1900-1925 : Vingt-cinq ans d'actualité mayennaire à travers la carte postale.
A. Ledru : Répertoire des monuments et objets anciens de la Sarthe et de la Mayenne.
Pré-en-Pail : Plaquette éditée par le S.I. de Pré-en-Pail