LA GUERRE 39-45 à LIGNIERES
-
1940
Devant l'invasion allemande, la Mayenne reçoit quelque 180.000
réfugiés dont 55000 originaires de l'Aisne. Lignières
en voit sa population considérablement augmentée.
Les troupes allemandes entrent en Mayenne par le nord-est le 17 juin
1940. La valeur du Mark d'occupation est fixée à 20
francs français.Les Allemands qui ont occupé Lignières
pendant quelques mois n'étaient pas des troupes motorisés.
Pour loger leurs chevaux, ils bétonnent plusieurs écuries,
dont celle de l' hotel, actuellement Musée du pain. Des ouvriers
cordonniers et menuisiers de cette troupe d'occupation travaillent
chez nos artisans locaux pour l'entretien de la troupe.
Chez un menuisier, ils installent un grand portrait de Himmler dans
l'atelier. L'artisan local supprime un soir ce portrait; ce geste lui
vaudra 3 semaines de prison au Mans.
Le 11 juin 1940 un avion anglais, un bimoteur, est abattu
par la DCA Allemande. Il a été vu en feu au dessus de
Ranes avant de venir s'écraser à quelques centaines de
mètres du bourg d'Orgères . Les cinq occupants sont tués
et carbonisés. Ils étaient âgés de 18 à
28 ans. Les corps des aviateurs sont restés sans sépulture
jusqu'en août où il furent inhumés au cimetière
de Lignières.
- 1941 - 1943
Les Allemands occupent Lignières et Orgères ne créant
pas trop de problèmes. Un poste d'observation sera construit
dans un hêtre sur la hauteur de Monthard (un peu plus haut que
le monument du Sacré-Cœur).
- 1944
- 6 juin :
Jour du débarquement sur les plages normandes, le roulement
des tirs d'artillerie est perceptible et dès le lendemain
les convois allemands commencent à passer se dirigeant vers
Caen. C'est la période où les maquis vont s'organiser
notamment à la Gérarderie. Pour empêcher l'atterrissage
des avions, les Allemands font planter des pieux dans les champs
de la ferme de Monnaie (on les appellera les " Asperges de
Rommel "). Des équipes sont également constituées
pour monter la garde le long des routes. Vers le 5 juin le Commandant
VIEL de la Ferté-Macé accompagné de sa fille
Simone et de quelques hommes arrive à la Gérarderie
(ferme exploitée par Gustave BOBOT) pour y installer un maquis
et y entreposer les armes qui avaient été provisoirement
cachées à la Verrerie (Route de Joué-du-Bois)
et dans d'autres lieux ; armes provenant de parachutages dans la
région de Fougères et la Barroche Gondouin. Ce maquis
a pour tâche l'attaque des unités et transports allemands
se dirigeant vers le front de Normandie.
- 13 juin :
Dans la matinée, les maquisards attaquent les Allemands d'un
camion en panne à Orgères, près du village
du Feugeray.
Quatre Allemands sont tués tandis que plusieurs s'échappent.
Egalement dans la matinée de ce même jour, des jeunes
du maquis ramenant des armes vers la Géraderie se trouvent
près de la Fouchardière, face à une voiture
d'officiers allemands, surpris ils ouvrent le feu tuant un Allemand.
De nouveaux maquisards arrivent en renfort ; ce sont les FTPF
du commandant PIETRI (LOULOU) qui ont dû quitter l'Ille
et Vilaine. En pleine organisation ces maquisards manquèrent
un peu de prudence, ne se cachant pas suffisamment et furent trop
confiants dans deux nouvelles recrues qui paraissaient de choix
et qui n'étaient en réalité que d'affreux
mouchards.
Réagissant après l'attaque du Feugeray et de la
Fouchardière, environ 200 Allemands venus d'Alençon,
se ruent à l'attaque du maquis qui soutient vaillamment
le siège pendant plus de trois heures, mais qui doit se
replier face aux Allemands armés de mortiers, mitrailleuses
et lance-grenades. A la nuit tombante une trentaine réussira
à gagner la forêt en exécutant la manœuvre
que leur avaient apprise le matin même leurs officiers.
Lors de cette attaque de Lignières par les Allemands , le
Cdt Daniel DESMEULES (pseudonyme Gérard) chef départemental
de l'armée secrète de l'Orne était en visite
au maquis de Lignières. Il sera arrêté à
la Mairie de Lignières et déporté à
Bergen-Belsen où il décèdera le 12 mai 1945,
peu après la libération du camp.
Un jeune maquisard qui en vélo rejoignait la Gérarderie
est arrêté par les Allemands à la Fouchardière
; il sera fusillé le soir. D'autres qui suivaient réussirent
à faire demi-tour et à prévenir les suivants.
Le maquis devait dans les semaines à venir regrouper plusieurs
centaines d'hommes.
Au cours de ce combat les Allemands auraient eu 21 tués
et un grand nombre de blessés. Du côté du maquis
il y eut cinq tués (Gustave Francois BOBOT,Roland DELATTRE,Pierre
JOUAN,Mathurin Alain LE GAC et Eugene RICHOMME) ; six autres faits
prisonniers au cours de l'attaque ( Francois CHEMINEL,Robert GOUGEON,Paul
LASNIER,Auguste LEDUC,Rene PELE,Gilbert ZOCCOLINI ) et un cultivateur
voisin (Mr COTIN Marcel) qui venait chercher ses chevaux à
l' herbage près de la Gérarderie, furent fusillés
à la Fouchardière.
Seule sera épargnée Simone Viel qui sera la seule
ornaise à être promue au grade d'officier à
titre FFI.
Les jours suivants les ligniérois
vivent dans la peur ; aux Allemands que recherchent les maquisards
se sont joints deux membres de la milice. Après les villages
du Feugeray, du Champ du Four et de la Gérarderie incendiés
dès le 13 juin, ce sera le 16 le tour de la Mairie de Lignières
avec l'école des garçons, la maison du maire, celle
voisine d'un agriculteur, la ferme de la Cornière et la maison
de la Trigalle qui seront la proie des flammes. Les fermes de la Prévostière
et de la Teinture seront épargnées. (A la Prévostière,
un officier allemand logeant dans la maison se serait opposé
à l'incendie).
Monsieur Georges Barbé adjoint au Maire, lequel avait dû
fuir, a dû jouer de beaucoup de diplomatie pour obtenir des
Allemands l'autorisation de donner une sépulture décente
et provisoire aux tués et fusillés de la Gérarderie.
Un service solennel aura lieu le 5 octobre en présence des
hautes autorités départementales, locales et des sociétés
en l'église de Lignières. Le corps d'une des victimes
était gardé par douze FFI en armes, il représentait
les onze autres restés dans la fosse commune creusée
au cimetière de Lignières. Dans l'après midi
les autres corps furent exhumés, reconnus par leurs camarades
et acheminés dans la région de Fougères où
eurent lieu les inhumations définitives.
Sont tués au cours des combats : Gustave Bobot 59 ans, Robert
Delatre 21 ans, Pierre Jouan 54 ans, Mathurin Le Gac 21 ans et Guy
Richaume 19 ans. Sont fusillés à la Fouchardière
: Marcel Cotin 46 ans, François Cheminel 20 ans, Robert Gougeon
19 ans, Paul Lasnier 19 ans (blessé), Auguste Le Duc 22 ans,
René Pelé 20 ans et Gilbert Zoccolini 20 ans. Une stèle
a été inaugurée à la Fouchardière
le 13 juin 1946. Un monument des fusillés est inauguré,
route de Couptrain le 13 juin 1948. Le 21 janvier 1949 la commune
est citée à l'ordre du régiment (Croix de Guerre
avec Etoile de bronze) "commune courageuse, qui au cours des
combats de la libération a su faire preuve d'un très
grand esprit de patriotisme et de sacrifice, son maquis a été
l'un des plus actifs de la région Mayenne-Orne".
-
13 juillet :
En juillet sur l'ordre des Allemands des abris individuels sont
creusés dans les talus, sur les bords des routes de 200 m
en 200 m pour permettre aux soldats de s'abriter des mitrailleuses
des avions. II en subsiste encore quelques traces.
Dans l'après-midi deux camions de réfugiés
de la laiterie de Mondeville (Calvados) prennent la route de Pré-en-Pail.
Ils seront mitraillés en forêt de Monnaye par les avions
et brûleront. Quatre réfugiés sont tués
et cinq autres carbonisés. Ils seront inhumés au cimetière
de Lignières.
-
20 juillet :
Le matin vers 8 heures 25, c'est un bombardier américain
poursuivi par deux chasseurs allemands, qui pour réussir
à se sauver , a dû se delester de ses bombes. La première
( la plus grosse) est tombée en forêt d' Andaines puis
les autres près du village de la Plingère creusant
d'énormes cratères ; d'autres près du village
de la Godardière et surtout sur le bourg près de Buard
et derrière l'école Notre Dame de Lourdes. A noter
que des rubans métalliques étaient lachés d'
avion pour brouiller la réception des radars allemands, ils
étaient appelés Window par les Anglais. Toutes les
vitres volent en éclats, portes et fenêtres s'ouvrent,
une personne est si grièvement blessée qu'elle décèdera
quelques heures plus tard. Les magnifiques vitraux de l'église
provenant des ateliers Ledieu d'Argentan sont détruits par
le souffle des bombes. Ils ne seront remplacés qu'en 1949
par de nouveaux vitraux réalisés par Mr Razin, Maître
Vitrier d'Art.
A partir de ce jour la messe sera célébrée
le dimanche dans des granges à la Vannerie et aux Noes. Beaucoup
d'habitants du bourg par peur d'un nouveau bombardement s'en vont
le soir coucher chez des amis dans les villages. La nuit des avions
lancent des tracts et laissent tomber des bandes de papier argenté
pour brouiller les communications radio avec les maquis.
- 30 juillet :
Trois cultivateurs ayant mené des réfugiés à
Couptrain sont mitraillés à leur retour vers 18 heures
dans la côte de la Vannerie. Deux sont blessés, un au
genou et l'autre plus grièvement atteint devra être de
longs mois hospitalisé, deux chevaux sont tués. Les
charrettes étaient pourtant munies de drapeaux blancs, mais
comme les Allemands faisaient opérer des transports avec des
voitures semblables, il est possible qu'il y ait eu méprise
de la part des aviateurs.
- 13 août :
La débâcle allemande se fait sentir, les nombreux convois
qui la nuit montent régulièrement vers le front, sont
de plus en plus souvent désorganisés ; ils ne circulent
plus que la nuit ; stationnant dans les fermes le jour et souvent
se servent des cultivateurs avec tombereaux et chevaux pour transporter
leurs munitions. Des véhicules redescendent du front roulant
sur les jantes, les soldats sont affolés devant les chars américains
et surtout l'aviation qui a la maîtrise de l'air.munitions.
Des véhicules redescendent du front roulant sur les jantes,
les soldats sont affolés devant les chars américains
et surtout l'aviation qui a la maîtrise de l'air.
Les Américains sont tout près de Lignières,
la division Leclerc aux portes d'Alençon, les véhicules
allemands ne savent plus où se mettre pour se camoufler.
Sur la route de Saint Ursin plusieurs camions brûlent et la
ferme de la Patricière devient en quelques instants un immense
brasier. Il y a un tué et un blessé.
A la Chauvinière où des camions se sont camouflés
l'aviation attaque et un hangar est la proie des flammes. Près
du Sapin Vert deux camions sont en feu. Une estafette motocycliste
est blessée près de la Trigalle. Dans la soirée
le sifflement des obus et le crépitement des mitrailleuses
se sont rapprochés. A la Croix Guillaume un petit groupe d'allemands
ralentit la progression du convoi américain venant de Couptrain.
Les chars progressent et à la nuit tombante ils seront aux
Senaillières où un hangar est en feu ; silencieusement
ils montent la côte de la Vannerie et atteignent la Plingère
où ils s'arrêtent.
- 14 août :
Au lever du jour, entendant le bruit de la bataille , un habitant
du bourg de Lignières , s' empresse avec sa famille de quitter
son habitation pour a travers champ se refugier à la Touchefouillère,
ou il se croit plus en sureté. Dans la matinée, en un
moment d' accalmie il sort de la tranchée et voyant sur la
route de Couptrain les convois americains qui montent vers Lignières,
appelle les voisins pour fêter la libération. Des allemands
camouflés et l'entendant parler de fêter la victoire
lui lancent une grenade. Atteint aux jambes , il sera évacué
sur l'hopital militaire de Villedieu les poêles ou il sera amputé
d' un pied .
La résistance allemande s'organise de bon matin pour livrer
combat d'arrière garde. Quelques canons antichars sont disposés
dans le bourg ; deux sont sur la place de l'église tournés
vers la chapelle. L'artillerie américaine envoie des obus sur
le bourg pour réduire ces canons, causant de nouveaux dégâts
à l'église et criblant d'éclats le monument aux
morts 1914-1918. Dans un mouvement d'encerclement les chars américains
arrivent au cimetière au point du jour. La fusillade éclate
; les Allemands se réfugient vers Joué-du-Bois (Orne).
Le Sapin Vert et la Cornière brûlent entièrement.
A la Haie au Roy une grange brûle mais le feu ne se communiquera
pas au village. De nombreux camions camouflés dans les chemins
au Sapin Vert et à la Cornière sont détruits.
Au village de l'Oliverie, une bombe de gros calibre tombe sur le
tas de fumier, rebondit sur l'herbage où après un vol
plané de plus de 200 mètres, elle s'arrête sans
exploser. Cette bombe sera désamorcée et enlevée
après la libération.
La route d'Orgères est encore aux mains des Allemands. La
bataille s'engage alors vers le village de la Boucherie où
un incendie se déclare. Un char allemand venant d'Orgères
arrive pour soutenir la lutte, au Gassel il est atteint de plein fouet
par les obus et ses occupants réussissent à prendre
la fuite.
Nos deux communes sont alors libérées, mais les obus
continuent de tomber sur Monthard, les Noes et la Maison Neuve où
un incendie se déclare et où un civil sera tué
dans une tranchée. L'artillerie américaine qui prend
position sur Lignières y restera une huitaine de jour.
Arrivant à Joué-du-Bois à la chute du jour,
les Américains se replient légèrement, quittant
le bourg de Joué-du-Bois qui sera alors la proie des flammes.
Il aura fallu toute une journée pour libérer Lignières
et Orgères.
- 15 août :
Les cloches sonnent pour la libération et la fête patronale,
les communes de Lignières et d' Orgères sont LIBEREES
mais les plaies sont loin d'être pansées. Des cadavres
allemands, environ 50 et ceux de 5 Américains sont restés
sur le sol, de place en place de nos communes. Le bilan des dégâts
fera état de 71 immeubles entièrement détruits
et de plus de cent, plus ou moins endommagés.
Par ses dégâts Lignières se classait au 5è
rang dans le département. En fin de matinée de ce
15 août une automitrailleuse allemande venant de Joué-du-Bois
fonce à travers les lignes américaines, passe au nez
et à 1a barbe de la Military-Police dans le bourg et prend
la route de Pré-en-Pail où elle sera rejointe. Un
Américain est tué par les Allemands de ce bolide entre
la Trigalle et le Sapin Vert.
Tous les jours suivants ce sera le passage de convois impressionnants
montant vers le front.
- 20 août :
Un aumônier américain célèbre la messe
à Lignières pour les troupes stationnées sur
le territoire.
- 1945
- Février :
Un autre drame se produit et soulève l'émotion à
Lignières. Deux enfants jouant avec un engin de guerre qu'ils
ont trouvé, sont grièvement blessés par son
explosion. Constant BONDIS 4 ans et son frère Claude 6 ans
décèderont les 23 et 27 février. Ce seront
les dernières victimes de toute cette période mouvementée
de la Libération.
Texte rédigé
par Marcel LANGRIS, extrait du Bulletin municipal n°8
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