LA DESSERTE FERROVIAIRE
DE LIGNIERES-ORGERES |
Par Christian FERAULT (
Bulletin municipal N° 19 en 2005)
Aujourd'hui, lorsque l'on souhaite prendre le train à Lignières-Orgères
- pour en partir ou y venir - le plus simple est de se rendre ou d'arriver
à Argentan ou Alençon, selon la destination ou l'origine,
voire d'utiliser le car SNCF qui passe par La Ferté-Macé
: il faut donc franchir d'abord 13 à 15 km ou 25 ou 28 avant
d'apercevoir le moyen de transport convoité.
Ce ne fut pas toujours le cas. Néanmoins et comme nous l'avions
indiqué dans le Bulletin municipal de janvier 2001 («
Le train a-t-il failli passer
par Lignières ? »), la desserte de la commune n 'a
jamais existé, les projets du XlXè siècle n 'ayant
pas eu de suite concrète.
L'examen des sources documentaires en notre possession montre que
le réseau alentour fut dense, en forme de rectangle certes
inachevé car la liaison d'intérêt local Carrouges
- La Lacelle n 'a pas été réalisée.
On pourra se reporter à la carte schématique annexée
qui indique l'existant, les voies disparues (déposées),
les voies déclassées et les dates d'ouverture et de
fermeture des sections.
Il est intéressant de constater que l'une d'elles, encore en
usage pour le trafic « marchandises »,
ouverte le 15 septembre 1880 entre Alençon et Pré-en-Pail
et fermée au service « voyageurs » le 15 mai 1938,
a été pendant longtemps la principale voie d'accès
à Lignières pour les personnes : il
s'agit, bien sûr, de la ligne Alençon - Domfront (68,7
km).
Construite sous la direction de Fulgence BIENVENUE, elle fut mise
en service en deux temps, le
tronçon Pré-en-Pail - Domfront n 'ayant été
ouvert que le 26 mai 1881.
Au départ d'Alençon, la déclivité est
importante, autour de 15mm/m pour s'élever à 18 en arrivant
à la gare de La Lacelle (Lentillère), alors plus haute
gare de l'Ouest, à près de 303 mètres
d'altitude. C 'est à ce niveau qu 'aurait dû parvenir
le tramway des Voies Ferrées Economiques de
l'Orne (VFEO) en provenance d'Argentan via Carrouges si la dernière
section avait été construite,
ce qui aurait permis une correspondance avec la « grande ligne
».
Au-delà, la voie pénètre en Mayenne par un parcours
d'environ 18 km avant de réintégrer l'Orne après
Neuilly-le-Vendin. Elle a longtemps desservi les carrières
de Bel-Air.
A Pré-en-Pail, se greffait une autre branche vers Mayenne (44
km) ouverte en 1880 et 1881 et qui passait par Saint-Aignan-de-Couptrain,
Javron, Chattemoue, Villaines-la-Juhel et Hardanges. Sinon, la voie
de Domfront longeait la rivière éponyme jusqu 'à
Couterne où une autre antenne, orientée vers le nord,
joignait Bagnoles-de-l'Orne (6,8 km) et, de là La Ferté-Macé
et Briouze. Des gares, souvent réaménagées, subsistent
ça et là. La voie entre Pré-en-Pail et Couterne
est encore en place, à l'exception des routes traversées
au niveau desquelles elle a été déposée.
Dans les années 1900, quatre omnibus reliaient chaque jour
Alençon à Domfront tandis qu'au départ de Couterne
vers Bagnoles il y avait au moins cinq navettes qui atteignaient Briouze
et deux qui s'arrêtaient à La Ferté-Macé.
Dans l'entre-deux-guerres, les omnibus furent complétés
par des autorails. Mais à la fin des années trente le
trafic fut reporté sur route et seul subsista un train mixte
entre Couterne et Briouze. En février 1941, l'exploitation
fut suspendue en raison d'une clientèle devenue rare et la
voie déposée. Sur le tronçon Alençon-Domfront,
un omnibus fut rétabli au début de la guerre, remplacé
ensuite par des autorails dont des modèles à gazogène
à partir de 1944
Après la Libération, l'antenne Couterne-Bagnoles est
définitivement déclassée et, progressivement,
le transport des marchandises est limité. A partir de 1971,
le parcours au départ d'Alençon, ne dépasse pas
Couterne (45,7 km) puis l'arrêt se fait à Pré-en-Pail
avec desserte de l'entreprise d'engrais MASDAC (Moulins A Scories
D'Aulnay-sous-Crécy), devenue SCPA-MASDAC. Vers 1972, plusieurs
trains complets de plus de 2 000 tonnes, puissamment tractés,
parvenaient au terminus chaque semaine. Depuis, la ligne, toujours
ouverte au fret, permet le passage d'un nombre plus restreint de convois
destinés à cette entreprise.
Lorsqu'on a évoqué, il y quelques années, la
remise en exploitation des carrières de Bel-Air, on a pensé
à évacuer le grès extrait par cette voie ferrée
qu 'il aurait fallu moderniser.
Comme on pourra le voir sur les reproductions de grilles horaires,
le trajet Alençon-Domfront demandait, en 1881, entre trois
et plus de quatre heures avec des trains circulant très tôt
et tard le soir. Le trajet Alençon- La Lacelle prenait une
heure, pour un prix, en première classe, de 2,45 F et en troisième,
de 1,35 F.
En 1936, le trajet total nécessitait autour de deux heures
mais on atteignait La Lacelle en moins de trois quarts d'heure (20
km).
Au début des années 1990, un train touristique composé
d'autorails des années 50 «en livrée d'origine
» - dont le célèbre modèle « Picasso
» - a circulé entre Pré-en-Pail (sa base) et Alençon
(halte) avec trois allers retours par jour et un trajet sonorisé
d'une heure ou de quarante minutes au départ de La Lacelle.
Ce service, agréable, mené par une Association, a malheureusement
dû cesser ses activités.
Il est bien loin le temps où les Lignièrois ou leurs
visiteurs arrivaient à La Lacelle en voiture à cheval
ou y « débarquaient » en trouvant une carriole
et son cocher qui étaient venus les accueillir : encore dix
bons kilomètres et « le pays » était en
vue. Pourquoi La Lacelle plus que Pré-en-Pail ? On peut évoquer
au moins trois raisons : la différence de temps de trajet (30
à 45 minutes en 1881), le prix du billet (un franc de plus
en première classe pour Pré-en-Pail) et l'habitude des
foires et marchés de La Lacelle.
Tout un passé - pas si lointain - mais bien révolu !
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ENVIRONNEMENT FERROVIAIRE DE LIGNIERES
ORGERES |
Sources: ANGOT (abbé), La Mayenne illustrée
au temps des chemins de fer, 1905, rééditions 1995 et
2004, Siloë.
Société nationale des chemins de fer français,
Centre d'archives historiques, Le Mans.
Réseau ferré de France, Archives.
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