A la pointe sud-ouest de notre commune se trouve un site sauvage
et bien connu, présentant de hautes falaises, de nombreux éboulis
et dominant la rivière du Tilleul qui se jette un peu plus
loin dans la Mayenne en Saint-Calais-du-Désert : le Saut-à-la-Biche
(propriété privée).
L'abbé Angot, dans son célèbre dictionnaire publié
au début du siècle dernier, le situe sur Saint-Calais
et en parle ainsi : « Roches de grès en murailles cyclopéennes
ou en éboulis, qui enserrent le ruisseau du Tilleul à
la pointe est (?) de la forêt de Monnaye. La mousse n'a pas
de prise sur ces blocs et les éboulis semblent produits d'hier
».
Destination fréquente de promenade dominicale ou estivale,
chacun sait que le nom de cette
curiosité naturelle est associé à une biche qui,
poursuivie par des chasseurs, se serait élancée pour
traverser - avec succès - la vallée. On y montre d'ailleurs,
à plusieurs endroits !, les traces laissées
par ses pattes en raison des efforts intenses qu 'elle a dû
alors déployer.
On sait aussi que des vignes furent plantées au sein des éboulis
afin qu'elles profitent de la chaleur
emmagasinée par les pierres. Leur existence et leurs produits
sont aujourd'hui bien oubliés...
Le « Saut-à-la-Biche » est, de loin, la principale
manifestation de ce type sur la commune mais, au
voisinage, on en trouve d'autres, remarquables également :
citons, par exemple, à Saint-Léonard-
des-Bois, la célèbre « Vallée de la Misère
» et la « Butte du Pâtis » ou, prés
de La Roche-Mobile, les
éboulis de la « Butte Chaumont ».
Que sait-on de ces formations appelées « pierriers »
?
Il s'agit d'amas naturels de pierres, souvent qualifiés simplement
d'éboulis. L'origine des sites remonte à l'ère
primaire avec son socle de granite et, dans nos régions, de
grès armoricain. Les fortes rigueurs de l'ère quaternaire
feront ensuite éclater des sols déjà usés,
d'où ces formations, accrochées à des versants
abrupts et qui apportent un témoignage spectaculaire des rigueurs
du climat d'alors.
Les blocs qui ont ainsi chuté se sont retrouvés plus
ou moins loin, en fonction de leur forme, de leur masse et des obstacles
rencontrés. Mais la simple observation visuelle indique, le
plus souvent, un mélange sans ordre marqué.
Les rares plantes qui s'y trouvent disposent de peu d'eau et d'une
« terre » bien rare issue de la décomposition des
végétaux qui y vécurent. Elles y ont, en conséquence,
développé des systèmes adaptés comme de
longues racines ou des bouturages naturels fréquents.
Le lieu serait excellent pour des « leçons de choses»
d'écoliers auxquels on ferait partager le caractère
impressionnant de ces effets du climat... et les formes de recolonisation
par les végétaux.
Les clichés du début du XXè siècle, comme
ceux figurant ici- et dont l'un localise le site sur Orgères
(environs de Bagnoles) !- nous montrent parfois des personnes escaladant
les « roches ». Nous avons été nombreux
à le faire et c'est encore possible, mais les reboisements
voisins et les modifications de pratiques agricoles ont entraîné
une nette «fermeture » de ce paysage si original, évolution
particulièrement visible à l'échelle humaine,
donc sur une courte période.
Notons pour terminer, que le terme « pierrier » désigne
aussi des tas de cailloux empilés au bord des champs, des prés
ou des chemins au fil des travaux d'épierrement. Des haies
leur sont souvent associées. Mais il s'agit là, bien
sûr, du labeur des Hommes, souvent poursuivi au fil des générations.
Voir Cartes postales
( 3 exemplaires sur Saut à la Biche)