En 1887, le ministre de l'Instruction publique avait demandé
aux instituteurs d'écrire la monographie de la commune où
ils exerçaient leur profession. Ceux-ci, étant souvent
secrétaires de mairie, tenaient le registre des délibérations
du conseil municipal, établissaient les statistiques exigées
des maires et avaient une bonne connaissance du pays par leur origine
fréquemment rurale et de proximité. Ils étaient
donc bien placés pour mener à bien une telle entreprise.
Un plan assez rigide leur était imposé afin de pouvoir
comparer aisément les résultats
obtenus :
l/ situation générale : limites, distances, relief,
géologie locale, eaux et climat,
2/ population suite au recensement de 1881, évolution, cultes,
finances,
3/ productions, voies de communication, commerce,
4/ étymologie du nom, histoire, traditions, légendes,
coutumes, personnages célèbres, archives
communales.
En complément, les rédacteurs devaient traiter de l'histoire
de l'enseignement sur place -spécialement de l'enseignement
public-, des institutions annexées (bibliothèque, caisse...)
et des améliorations à apporter.
Il s'agissait, dans l'esprit du ministre, de préparer un tableau
de l'enseignement primaire public pour l'Exposition universelle de
1889 (centenaire de la Révolution) et de montrer ainsi les
progrès de l'Instruction et l'efficacité des maîtres
dans l'enseignement de l'histoire et de la géographie. Le but
était cependant plus large, associé au goût de
l'époque pour l'histoire locale et à la volonté
de diffusion de la culture auprès des familles via les élèves.
Une « seconde vague » eut lieu à l'extrême
fin du XlXe siècle à la suite d'une Instruction du ministre
en date du 29 décembre 1898 : l'écriture des monographies
devait aboutir rapidement pour une présentation lors de l'Exposition
universelle de 1900.
Malgré la demande pressante appuyée sur un modèle
de quatre pages, la production ne fut pas généralisée
à la France entière, dépendant largement du zèle
des inspecteurs d'académie et des communications de l'époque
; elle offre une excellente « photographie » des villages
à la fin du XIXe siècle, d'une qualité certes
hétérogène mais qui reflète bien la vie
et les mentalités vues à travers le prisme de l'instituteur-rédacteur.
Dans notre département, les monographies ont été
rédigées et une première synthèse en a
été faite pour le canton de Montsûrs en 2002 (J.SURCOUF,
directeur des Archives départementales). Deux volumes sont
par ailleurs en préparation.
Les instituteurs publics alors en fonction à Lignières-la-Doucelle
et à Orgères ont rédigé chacun «
leur » monographie : il s'agit respectivement de Messieurs LEGUY
(signataire du 31 juillet 1899) et HUET - en fonction depuis 1882-
(signataire du 23 octobre 1899). Les deux respectent le plan en cinq
parties demandé pour cette seconde série :
- géographie physique : nom, situation, superficie, constitution
géologique du sol,
hydrographie, climatologie, faune et flore,
- géographie économique : agriculture, apiculture, méthodes
d'exploitation, industrie,
commerce.
- géographie politique : population, bourg, nameaux, église,
ecoies, aamimsirauon. services et sociétés divers, démographie,
histoire.
Celle de Lignières comprend 28 pages avec trois plans : carte
physique, carte politique (hameaux et voies de communication) au 1740000e,
plan du bourg au 172500e . La partie « politique » occupe
40% de l'ensemble, mais il s'agit d'un texte assez équilibré,
écrit selon la « belle façon » de l'époque
et donc très lisible (x).
Quant à Orgères, l'œuvre est nettement plus copieuse
avec 58 pages dont trois plans et deux clichés ; elle comporte
des développements importants sur les Roches, les biens religieux,
les écoles et l'histoire de la commune.
Rappelons que les sources étaient alors peu nombreuses et leur
accès malaisé. Alphonse -Victor ANGOT (« l'abbé
ANGOT ») est certes cité mais son célèbre
et remarquable dictionnaire ne paraîtra qu'entre 1900 et 1910.
LIGNIERES la DOUCELLE (bulletin
municipal de 2007)
Arrêtons-nous un peu sur les aspects les plus originaux de la
monographie de Lignières-la-Doucelle dont on reproduit plus
loin la page de titre, le plan du bourg et la conclusion.
A l'aube du XXè siècle, les 3363 hectares de la commune
se répartissaient ainsi : 43% de
labours, 15% de prés, pâturages et herbages, 26% de bois
et taillis, plus de 15% de landes
et bruyères, le reste en chemins, étangs et mares.
Les rendements des cultures sont qualifiés de « médiocres
» avec 15 hl de blé à l'hectare
et 20 à 25 pour l'orge, l'avoine ou le sarrasin.
On nous signale que les herbages sont « l'objet de soins spéciaux
» et que les marchands
de bestiaux « pullulent dans la commune ». Les «
gros » achetant et vendant 100 vaches
par semaine. Une seule ferme - « la Provotière »-
exploitée par le maire Henri GAUTIER
compte quelques outils : faucheuse, semoir, extirpateur, brabant et
coupe-racines.
L'industrie est qualifiée de « peu importante »
avec une fabrique de chandelles et de cierges et trois de galoches
occupant chacune environ 15 ouvriers. Une scierie existait jusque
récemment à la Brunetière. Les fonderies et forges
du Moulin-Lassue qui fonctionnaient avant la Révolution sont
évoquées de même que les tourbières exploitées
encore vers 1850 à la Patricière.
Pour les galoches, l'auteur indique 400 paires fabriquées quotidiennement
soit une valeur de 180 000 francs en 300 jours. Et l'avenir semble
radieux avec un triplement prévisible d'ici 10 ans ! Le réseau
vicinal s'étend sur 28 km et est qualifié de «
bien entretenu ». Les foires à bestiaux ont lieu six
fois par an, dont le 14 août.
Au dernier recensement (1896), le bourg « assez joli et propre
» comprenait 27 maisons
sans étage, 102 avec un étage et une avec deux.
La place de l'église « venait d'être nivelée
» et entourée de bordures de granite et de
platanes « du plus bel aspect ».
Il y a deux écoles : celle des garçons, remonte à
1848 et abrite la salle de mairie. Préau,
parquet et mur de clôture datent de 1893. L'école des
filles est « dans un état déplorable »
mais sera bientôt remplacée par un bâtiment à
l'ouest du bourg. « Une école libre de filles
est en construction ».
Suit un historique assez détaillé de l'évolution
de l'enseignement à Lignières qui précède
la liste des institutrices et instituteurs deouis 1824.
Un tableau de la fréquentation scolaire est donné pour
les dix dernières années. En 1898-1899, il y avait 183
élèves dont 164 âgés de 6 à 13 ans,
avec 78 garçons et 105 filles.
Les finances de la commune sont « dans un excellent état
». Une liste des anciens curés est indiquée depuis
Charles LEVANNIER à partir de 1608, jusqu'à l'actuel,
Adolphe EUZENNE [depuis 1884]. IL n'y a ni garnison, ni compagnie
de sapeurs-pompiers, ni hôpital, ni crèche, ni bureau
de bienfaisance.
Une étude notariale existe depuis 1650 avec un siège
à Orgères jusqu'en 1816. Le notaire actuel -depuis 1892-
est M. BOULIER .
Au recensement de 1896, la commune comptait 82 hameaux, 518 ménages
dont 420 « de famille», 517 maisons habitées et
1620 habitants (786 hommes et 824 femmes) [manquent 10 personnes].
Seuls 24 ménages comprenaient 7 personnes et plus. Une répartition
par sexe est donnée selon des tranches de cinq années,
ainsi qu'une autre de la population entre célibataires, mariés,
veufs et divorcés (une seule femme).
En 1898, il y eut 25 naissances, 19 mariages et 42 décès.
La durée moyenne de la vie est de 43 ans, chiffre élevé
pour l'époque, en raisons du pays « qui est très
sain », des habitations « qui sont salubres », de
la nourriture « qui est bonne » et de « l'activité
des gens ».
L'auteur revient sur la superficie des fermes et la propriété
très divisée : deux ont plus de 20 ha, 4 plus de 15
et 7 plus de 10 ; les autres (bordages) disposent de 2 à 10
ha.
Les ouvriers agricoles sont payés 300 F par an, nourris, pour
des journées de douze heures. Les femmes « gagnent la
moitié du salaire des hommes ».
Les ouvriers galochiers perçoivent 3 F par jour pour douze
heures de travail mais leur gain dépend de leur rendement.
L'instruction fait de grand progrès : vers 1890, un conscrit
sur cinq déclarait ne savoir signer (« voire même
lire »). En 1898 tous « étaient lettrés
».
Suit un bref historique de la commune, une indication des progrès
accomplis, une mention de l'assemblée du 15 août et quelques
phrases sur les coutumes des « lignièriens ». Quant
à la conclusion-résumé, il vous est possible
de la lire ci-après. Rien n'a changé !
Ces données et indications n'ont que 107 ans ....
Voir le texte complet saisi intégralement
selon une police de caractères adaptée au moment de
l'écriture (à découvrir).
ORGERES la ROCHE (bulletin
municipal de 2008)
La monographie relative à Orgères constitue une œuvre
copieuse de 58 pages (près du double de
celle de Lignières) comprenant trois plans et trois clichés,
écrite par Monsieur HUET, instituteur
en fonction depuis 1882 et qui transmet une vision approfondie du
pays où il vit en s'appuyant
sur des recherches personnelles et en faisant appel, sans sectarisme,
aux ressources locales (le
curé et les archives paroissiales).
II s'agit là, sans conteste, d'un travail de qualité
comportant des développements importants sur les Roches, les
biens religieux, les écoles et l'histoire de la commune.
On en présentera ci-dessous les éléments les
plus importants, en épousant le plan demandé aux rédacteurs
de l'époque : géographie physique, géographie
économique puis géographie politique.
L'origine du nom de la commune provient soit du grec - terre grasse
et fertile (!) - et de son évolution « en français
mélangé de latin » : colère, passion, emportement,
soit de l'anglais avec mines (de granité localement). L'auteur
indique sans trancher...
Au dernier recensement avant rédaction (1896), Orgères
comptait 362 habitants contre 508 cinquante-quatre ans plus tôt,
sur une superficie de 605 hectares 27 ares et 21 centiares. Le caractère
très accidenté est souligné, pour une altitude
moyenne ( ?) de 230 mètres. Ruisseaux et mares sont décrits
en détail ainsi que les sources « qui fournissent une
eau claire et limpide ». Huit sont citées dont la moitié
appartiennent à la commune.
En matière de climat, l'auteur évoque les froids excessifs
de l'hiver (« c'est bien la Sibérie de la Mayenne »)
et les chaleurs estivales « de plus en plus rares » avec
des gelées ( !) très communes en été.
La neige est aussi moins fréquente mais, quand elle tombe en
décembre et janvier, elle demeure en moyenne un bon mois.
Suit le calendrier des travaux des champs : les prairies artificielles
sont coupées la première quinzaine de juin et les naturelles
la seconde ainsi que la première de juillet. « Le foin
est de bonne qualité ». « Les moissons commencent
fin juillet et se poursuivent en août ». Fin octobre-début
novembre passent les canards sauvages qui annoncent « les longues
et ennuyeuses nuits de l'hiver ».
Au chapitre des curiosités, Orgères possède sa
Roche d'abord décrite puis sur laquelle on nous
livre plusieurs légendes qui sont celles :
- de la fée qui voulait bâtir un énorme château
en Basse-Normandie,
- centrée sur Quasnon, bien connue et rapportée dans
un précédent Bulletin municipal,
- indiquée comme authentique, d'un ouvrier du pays nommé
FONTAINE qui s'obstina à chercher le trésor des fées
mais quitta les lieux après que « deux forts dogues »
eurent grincé des dents,
- de la fée qui venait au hameau du Plessis tenir compagnie
à une femme en l'absence de son mari. Celui-ci la remplaça
un soir et la fée s'échappa par la cheminée...
On revient ensuite à l'agriculture avec des données
très précises, au centiare près ! Les terres
labourables représentaient alors 62% de la superficie communale,
les prés 15% et les friches et landes 13%. Les forêts
s'étendaient sur 32 hectares.
Les rendements sont indiqués - comme à cette époque-
en hectolitres : 20 à 25 pour le blé, 25 à 35
pour l'orge et l'avoine et 65 en pomme de terre. Lin et chanvre ne
couvrent plus qu'un hectare environ.
La rotation habituelle est quinquennale : sarrasin ou pomme de terre/
blé, seigle ou méteil/ orge ou avoine/ trèfle/
trèfle pour pâture. Les bovins appartiennent aux races
mancelle, cotentin ou bretonne, les moutons à la race anglaise
« un peu dégénérée ». Les
chevaux sont des bretons et des percherons et un dépôt
d'étalons du Haras du Pin est signalé à Carrouges.
Quant aux animaux de basse-cour, ils fournissent dans les fermes «
l'entretien de la maison, c'est-à-dire ce qui est le plus essentiel
à la vie ».
Vingt propriétaires possédant 200 ruches sont mentionnés
avec une production unitaire de
huit kg de miel et deux de cire.
En matière « d'engrais », le principal est le fumier
mais, depuis peu, l'emploi des phosphates
progresse alors que la chaux n'intéresse plus qu'un quart des
cultivateurs. Du noir animal est
apporté pour le sarrasin à la dose de 5 à 6 hl/ha.
Le terrain très accidenté fait qu'on se contente du
« vieux système » sans outillage
perfectionné.
Des cultivateurs appartiennent au Syndicat des agriculteurs de la
Mayenne et lisent ainsi le
Bulletin agricole de l'Ouest.
Pour ce qui est de « l'industrie », l'auteur cite les
carrières de granité qui « deviennent de plus
en plus importantes » en insistant sur l'action des deux frères
GUILLOUARD entre 1868 et
1879 en matière de croix, calvaires et pierres tombales...
A partir de cette dernière date, c'est
Eugène BOUVIER qui les exploite avec la production, notamment,
de la flèche d'un seul
morceau du calvaire de Neuilly-le-Vendin (11 mètres). Des pièces
sculptées ont servi aux
aménagements du clocher de l'église de Lignières
(voir par ailleurs dans le Bulletin 2008).
On nous dit aussi - mais où ?- qu'une nouvelle carrière
exploitée par François BOUVIER a
ouvert vers 1888 et que l'ensemble de extractions occupe de 15 à
20 ouvriers.
Sinon il y avait alors sur Orgères un boulanger, un charron-forgeron,
un maçon, deux
couvreurs, un charpentier, quatre ouvrières en robes et deux
blanchisseuses... mais pas de
boucher, celui de Lignières venant le dimanche entre 9 et 11
heures pour y vendre « de la
viande sur la voie publique ».
Il est souligné que la commune ne dispose d'aucune voie de
communication importante mais
le neuf km de chemins vicinaux.
Le service de la poste (p !) est effectué par le facteur «
rural » de Lignières arrivant de 9 h 30
à 10 h 30. Il n'y a ni téléphone, ni foires,
ni marchés.
L 'instituteur HUET revient ensuite sur la population avec ses 362
habitants (511 en 1845 et 527 et 1852) dont 111 agglomérés.
Il indique, en conséquence, une surface de 1 ha 67 a par habitant
et l'existence de « 15 hameaux et 5 fermes renfermant 251 personnes
(près de 70% le l'ensemble) ».
En matière d'habitat « pas luxueux », il nous est
dit que la plupart des maisons, couvertes en chaume, « donnent
un air de tristesse et de pauvreté ». Néanmoins
on trouve quelques maisons restaurées et entretenues.
L 'église d'Orgères fait l'objet d'un développement
certain et un peu surprenant (cf. la période), avec un cliché
pour commencer : elle pourrait être « une des plus vieilles
des environs (fin du Xle siècle) avec une tour et des chapelles
latérales construites en 1458 et une invocation à Saint-Louis
à cette époque ». Son chœur, le milieu de
la nef et les chapelles n'ont été pavés qu'au
début du XIXe, à partir de pierres tombales. L'auteur
insiste sur le luxe et la coquetterie de l'intérieur du monument
et indique que « le cimetière existe toujours autour
de l'église » (rien n'a changé depuis 108 ans).
Sont indiquées ensuite les chapelles Notre-Dame-de-Grâces
(ou de Guimbert), et Saint-Joseph. La première construite en
1639 (inscription sur la clef de voûte d'entrée) a, dans
son plan, un if remarquable. Une «assemblée» importante
s'y tenait autrefois puisqu' « il s'y buvait plusieurs tonneaux
de cidre dans la journée ». L'autre, dédiée
à Saint-Joseph, remonte à 1888 ; elle est située
sur le chemin de Saint-Patrice-du-Désert. Elle était
encore « gérée » par son fondateur Joseph
LEBRETON de La Boulardière.
Suit un développement conséquent (copie des textes d'époque)
sur les biens de l'église d'Orgères avant la Révolution
et sur la restitution à la Fabrique d'Orgères des terrains
entourant l'église et la chapelle de Guimbert (en 1809).
On passe ensuite aux écoles.
«Il n'y avait pas de classe régulière...il y a
80 ans «(vers 1820) les personnes qui
apprenaient à lire étaient très rares...et celles
qui apprenaient à écrire étaient plus rares
encore ; on se contentait d'apprendre à signer ».
Suivent deux beaux et émouvants clichés de 1899 : élèves
et enseignant puis bâtiment de
l'école mixte avec des personnages. La suite comprend du texte
et plusieurs citations de
documents.
Vers 1826, le curé LEMAITRE fit venir Melle COLIN « de
son pays (Lignières-la-
Doucelle) » et « l'installa dans un appartement dépendant
du presbytère ».
Les enfants ne venaient à l'école que par demi-journée
: les garçons le matin et les filles le
soir « car on ne voulait pas que les deux sexes allassent ensemble
à l'école ». Au programme :
lecture, catéchisme et calcul (avec « la multiplication
peu connue. On n'enseignait jamais la
division pour un bon motif, c'est que la maîtresse ne la connaissait
pas » ( !). En 1834, une
jeune fille d'Orgères, Rosalie DELAUNAY, obtenait son Brevet
de capacité et devenait
autorisée à enseigner. En même temps, un Comité
local de surveillance de l'instruction
primaire était constitué. A partir de 1845, l'institutrice
tente d'obtenir l'autorisation de réunir
les deux sexes avec de solides arguments. Ce ne fut pas simple mais
permis en décembre
1846 suite au constat que 18 enfants de 6 à 14 ans ne fréquentaient
pas l'école (indifférence
des parents, mauvais chemins en hiver ou travail nécessaire
aux parents). Il est aussi décidé
de faire placer un tableau noir « pour faciliter les moyens
d'écrire ».
La classe est déplacée en 1858, dans une maison appartenant
à l'institutrice, en raison de la
construction du presbytère « actuel » par le curé
FOULON. En 1865 la maison d'école est
terminée et un instituteur remplace Melle DELAUNAY - mise à
la retraite - qui aura
enseigné à Orgères trente et un ans.
Autour de 1870, la municipalité est divisée sur le sexe
du futur enseignant : maire et curé
veulent une institutrice, d'autres membres du conseil ont une préférence
pour un instituteur et
chaque groupe intrigue... Au total l'instituteur fut conservé
et il y en aura cinq, originaires du
département, jusqu'au début du XXe siècle dont
le rédacteur de la monographie, en fonction
depuis le 1er mai 1882.
Un tableau de la fréquentation scolaire est fourni pour la
période allant du 1er octobre 1889 au
1er octobre 1899 avec autour de quarante élèves de 6
à 13 ans, entre un et six de moins de 6
ans et très peu au dessus de 13 ans. Des moyennes des présences
et absences sont fournies
pour ces dix années (au millième près !).
En matière administrative, le nombre d'électeurs est
de 115 à la fin du siècle. Le maire est Jean NORMAND
et l'adjoint Victor LEVEILLE. Parmi les conseillers, on trouve des
patronymes encore connus aujourd'hui, au moins dans la région.
Les contributions directes atteignaient, en 1898, 2069 francs - ce
qui est insuffisant pour faire face aux dépenses obligatoires.
Néanmoins, Orgères n'a pas de dettes.
La liste des curés - et des vicaires le cas échéant
- est fournie depuis 1650. On est surpris de la longévité
du curé LOISEAU présent de 1708 à 1792. Depuis
1899, c'est Constant MANCON qui remplit la fonction. Un bureau de
bienfaisance a été fondé vers 1875.
On passe ensuite à la démographie avec 180 hommes et
182 femmes dont 62 enfants. 265 personnes (88%) sont de profession
« cultivateurs », 15 tailleurs de pierres, 4 charrons...
Il est indiqué un unique « vieillard ne travaillant plus
» et deux personnes sans profession.
La durée moyenne de la vie est de 45 ans et on a relevé
(en ?) 6 naissances, 3 mariages et 8 décès. L'auteur
note que les familles sont moins nombreuses qu'avant... la plus importante
à neuf enfants.
Pour ce qui est du « genre de vie », il est noté
que les habitants « vivent très économiquement,
trop économiquement même, car cette économie frise
de près l'avarice ». « II est rare de voir...un
hameau où les habitants soient tous unis». Chacun cherche
à « rapiner sur son voisin ». (On peut être
surpris d'un tel jugement porté par une personnalité
locale :l'instituteur).
La plus grande exploitation agricole dispose de 19 ha avec deux journaliers
et cinq
domestiques. Les premiers gagnent 1,50 Franc pour douze heures de
travail, nourris ; les
seconds de 150 à 400 francs par an, sans limite de temps de
travail.
Les ouvriers du granité sont payés à la tâche
pour un gain de 3 à 5 francs par jour ; « ils
travaillent tout pendant que le jour dure ».
Les illettrés sont estimés à environ 10% de la
population.
Suit un long et intéressant historique de la commune qui dépendait,
jusqu'à la Révolution, du château de La Motte-Fouquet.
Cet ensemble est extrait des archives de la Fabrique de cette dernière
commune. Il comprend un descriptif détaillé des seigneurs
successifs de La Motte-Fouquet et est émaillé de diverses
citations de textes anciens. On y trouve aussi relatées l'attaque
du château en 1789 et l'affaire dite de Cosse, en 1800, qui
fut la plus importante de la Chouannerie normande. (Tout ceci ne pouvant
être résumé en quelques phrases, on se reportera,
en cas de besoin, au texte complet).
Curieusement on trouve à ce niveau mention du notariat d'Orgères,
présent de 1650 à 1816. avec sept notaires, jusqu'à
sa réunion à celui de Lignières.
Il est enfin signalé qu'on parle ici « passablement le
français » mais avec quelques déformations. Aucun
costume n'est à signaler. Les mœurs sont « généralement
bonnes » sauf le cas « des hommes pris de boisson ».
L'assemblée annuelle se tient le 25 août (Saint-Louis)
ou le dimanche suivant. Elle « n'est plus aussi fréquentée
qu'autrefois ».
C'était il va 108 ans..
Texte complet saisi intégralement
selon une police de caractères adaptée au moment de
l'écriture.
Parus aux Bulletins Municipaux de 2007 et 2008