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LIGNIERES ORGERES

HISTOIRE
LA BUEE

Par André ROBERT


Dans les années 1930 et avant, la richesse des gens aisés se comptait aussi au nombre de paires de draps de lit qui étaient entreposés dans la grande armoire de la maison.

Pour le « petit linge » : mouchoirs, caleçons, chaussettes, … la lessive était souvent faite, mais pour la grande lessive – appelée « la buée » - et qui concernait les draps et linges en grosse toile, l’opération n’avait lieu que deux voire trois fois par an et c’était un événement dans le village !

Chez nos voisins, les CATOIS, les deux jours de « buée » mobilisaient trois personnes : les deux bonnes de la maison et une laveuse professionnelle.

Au cours de la première journée, les laveuses devaient faire l’essangeage (les laveuses disaient « l’échange ») c’est-à-dire le décrassage du linge avant l’échaudage. Cela se pratiquait au lavoir de La Cornière où les personnes s’installaient à genoux dans leur « carrosse » - casseau en parler régional – après avoir mis de vieux chiffons ou de la paille pour être plus confortablement installées. Elles décrassaient les draps par un bon savonnage et un brossage énergique (brosse en chiendent) sur une planche à laver rainurée sur le dessus afin de faciliter l’évacuation de l’eau. Le linge était ensuite laissé à tremper dans une cuve en peuplier.

Le lendemain, c’était « la buée » proprement dite : le linge était placé dans une cuve en bois blanc, presque toujours en peuplier, qui reposait sur un tréteau en forme de T, dénommé « selle à cuveau ». Les autres bois, comme le chêne, étaient proscrits en raison de leurs tannins qui auraient taché le linge.

De la base de cette cuve sortait comme un demi-tuyau en fer, d’environ 1,50 mètre qui allait se poser sur le dessus d’une chaudière en fonte sous laquelle il y avait un foyer. Cela permettait d’observer et de surveiller le passage de la lessive de la cuve à la chaudière.

On mettait dans la chaudière – d’environ 90 cm de diamètre – l’eau, les cristaux de soude, des feuilles de lierre et parfois de la cendre de bois. Le feu était allumé et quand l’ébullition arrivait, l’une des laveuses, munie d’une puisette dite « vide buée » (sorte de petit seau sans anses avec un long manche), prenait la lessive bouillante dans la chaudière, la versait sur le linge de la cuve et reproduisait cela pendant un certain temps, parfois plus d’une heure. Cet « échaudage » durait jusqu’au moment où la lessive de la cuve sortait aussi chaude que celle de la chaudière.

Alors, suivait le transport du linge au lavoir avec la brouette. On procédait au lavage, comme pour l’essangeage, avec savonnage et brossage.

Ensuite, et après un premier rinçage, les draps étaient essorés à grands coups de battoir puis ces opérations répétées.

Ces dames sortaient le linge à l’extérieur du lavoir et deux laveuses prenaient un drap chacune par un bout, l’étiraient et le tordaient énergiquement pour expulser le reste de l’eau et ainsi de suite avec les autres draps.

Quand c’était terminé, elles chargeaient le tout sur une brouette dont le plancher à claire-voie était fait de lattes de peuplier placées à intervalle régulier. Après transport à la maison CATOIS, intervenait le séchage soit sur herbe, soit sur fil.

Ce genre de lessive a disparu petit à petit avec l’apparition des lessiveuses puis de machines à laver à main, assez rudimentaires, à la fin des années 30 et qu’il fallait chauffer au bois.

Après guerre, les machines furent modernisées année après année pour arriver aux appareils actuels qui non seulement lavent mais essorent aussi ! La « chauffe » se fait grâce à l’électricité et l’électronique règne en maître…

Au temps de « la buée », un enfant était souvent embauché pour entretenir le feu sous la chaudière.

Je l’ai souvent fait chez les CATOIS où j’avais droit, dans la matinée, à une tartine de confiture ou de rillettes…cela quand « la buée » avait lieu le jeudi ou pendant les vacances !

J’ai aussi fréquemment vu cette opération chez Madame COUPRIT, notre plus proche voisine, mais alors je regardais, sans participer.

A l’époque, on disait d’une personne nonchalante : « c’est une vraie buée »…

 

extrait du BM N° 23 An 2009