Saint-Ursin. vill., cne de Lignières-la-Doucelle, à
5 kil. S.-O. du bourg, à 800 m. de la route de Couptrain.—
Domuncula vulgo nuncupata eremus Sancti Ursini, 1302 (Chart.
de Saint-Ursin). — La chapelle du lieu de Saint Ursin ou désert,
1307 (Ibid.).— Heremitagium Sancti Ursini, 1316 (Lib.
rub., f. 122).— Locus de Sancto Ursino in Déserto,
1319 (Chart. de Saint-Ursin). — Saint Ursin du Désert,
1327 (Ibid.). — L'hostel de Saint Hoursin, 1431 (Ibid.).
— Le prioré de Saint Oursin de l'ordre de Sainte
Croix, 1433 (Arch. nat., KK. 324). --L'abbaye de Saint Ursin,
1630, 1733 (Reg. par. de Lignières et de Saint-Calais). —
Saint Ursin, maison de Sainte Croix (Jaillot). —
Prieuré de Saint Ursin (Cassini). — Le ruiss.
de Saint-Ursin joint la Gourbe, dans le départ, de l'Orne ;
long., 810 m.
D'abord ermitage de la forêt de Monnaye,Saint-Ursin devint une
dépendance de l'abbaye de Beaulieu-lès-le-Mans, que
les chanoines échangèrent volontiers, domaine éloigné
et improductif, pour une rente de 20 sols, assise en bon lieu près
du Mans, avec le consentement de Robert de Clinchamp, le lundi 10
septembre 1302. L'acquéreur, Guillaume de Doucelle, appela
de suite les religieux de Sainte-Croix de
la Bretonniére. Ils résidaient déjà «
au manoir de Saint-Ursin, desservanz la chapelle, » quand en
1307 leur bienfaiteur leur en assura la possession, leur donna 100
sols de rente sur sa prévoté de Lignières, quatre
chênes « bons et suffisans à mesoner, édifier
et appareiller la chapelle et les mesons du dit lieu, douze porcs
francs es pessons, douze vaches a l'herbage franches, tout mort boys
et branche volée. » Le domaine comprenait25 journaux
de terre sur le chemin d'Ecouché à Couptrain. Les religieux
avaient droit de « coustume, estalage, persage de tonneaux et
autres vaisseaux, tant cidre que vin, au jour et feste de Saint-Ursin
(11 juin), et en toute assemblée qui s'y pourroit tenir. »
A l'origine, ils employaient les mois de septembre et d'octobre à
quêter. A la lin du XVe s., on dit qu'ils « vont tous
les jours à l'aumosne. »
De nouveaux legs et des charges correspondantes s'ajoutèrent
aux dons primitifs. — « Noble homme et seigneur d'église,
messire Nicolas de Doucelle, chanoine de Saint-Simplice de Martigné-Briant,
» propre frère du fondateur, donna 12 journaux de terre
« es féages du moulin la Sus, » 8 à la Benaichère,
pour être inhumé au moutier et avoir quarante-huit messes
par an, 1346. — Tiphaine de Doucelle, femme de Robert de la
Ferté, ajouta à la dotation de son père la maladreriede
Couptrain, 1365.— Robert de Saint-Julien fonda la messe du samedi
sur le moulin de la Pallu, 1350; Geoffroy Martin laissa les fiefs
de la Martinière et de Courbesnu, 28 décembre 1357,
etc. Jean XXII, par bulle datée d'Avignon le 1er octobre 1319,
Philippe de Valois, par lettre du 1er février 1327 (v. s.),
donnée au Gué-de-Mauny, les Rohan, à diverses
époques, ratifièrent et confirmèrent tous ces
dons et legs.
En 1316, le curé de Lignières obtint de l'évéque
du Mans, Pierre Gougeul, qu'il n'y eût que deux frères
à l'ermitage ; ils devaient ne pas officier aux fêtes
solennelles, et qu'après tierce seulement le dimanche ; n'administrer
aucuns sacrements, et n'avoir chez eux ni cloche suspendue, ni pain
bénit, ni aspersoir, ni sépulture. Ces restrictions
ne tinrent pas.
L'histoire du prieuré est presque nulle. Les Anglais lui accordent
des lettres de sauvegarde en 1433; les huguenots y portent le pillage
et enlèvent le prieur Jacques Dupont, ce qui n'empèche
que la maison fut surtout prospère au XVIe s. et pendant la
première moitié du XVIIe s. Cent ans plus tard, elle
était bien déchue ; le prieur se plaignit même
qu'on ne l'inscrivait plus sur le catalogue de la Roche-Mabile. L'avant-dernier
prieur, Pierre Nicolas Besnier, entra dans les vues de la famille
de la Motte-Ango de Flers, qui prétendait forcer un fils aîné
à faire ses vœux au prieuré, I767. Ce fut l'occasion
d'un procès peu honorable pour la famille. Le dernier prieur
eut,dit-on, un sort rigoureux, malgré ses louables intentions
à la fin de sa vie. On lit cette note, extraite des vues
d'un Solitaire patriote, dans les mss d' Ansart (t. II, p. 175)
: « II étoit réservé au dernier prieur
de changer ce repaire d'animaux malfaisants en habitations humaines.
Il imagina de construire à ses frais douze cabanes de paysans;
il plaça un ménage dans chaque cabane et donna à
chaque ménage douze arpens de terre qui furent bientôt
mis en culture. Il allait construire douze autres cabanes quand sa
maison fut détruite par l'évèque diocésain...
Qu'est devenu ce religieux cultivateur..? Cherchez-le aux Quinze-Vingts,
vous le trouverez dans une simple cellule. »
L'évèque du Mans supprima le bénéfice
en 1770 et en unit les revenus au séminaire de Domfront, non
toutefois sans opposition des religieux et surtout de la famille de
Rohan qui prétendait rentrer dans les droits des fondateurs.
Le procès était encore pendant en 1785.
Du prieuré, il ne reste qu'un bâtiment sans caractère,
du XVIIe s., et une chapelle convertie en grange, à la réserve
d'un petit sanctuaire avec autel en bois, adossé au pignon
E., dans l'embrasure d'une fenêtre en plein cintre divisée
en deux compartiments par un meneau et ayant une petite rosace dans
le tympan. Quelques traces de peintures murales à l'ocre rouge,
dans la grange ; comme statues, trois mauvais plâtres ; les
stalles sont dans l'église de Couptrain. Au pied du chevet,
sous un petit arc ogival, jaillit et bouillonne la fontaine de Saint-Ursin.
Prieurs : Guillaume de Fontenay, 1316. — Raoul
Chrétien, 1350. — Michel Le Coustelier, 1373. —
Nicole Tronchard, 1410. - Philippe Bouvier, 1429. — Jean Lucas.
— Philippe Bouvier, 1447. — Jean Halaine, 1469, 1480,
† 1483.— Gervais Bouvier, 1481, 1502. — Jean Ler,1502,
1503. -- Jean Bouvier, 1503, 1504. -- Guillaume Onfroy, 1504, I5IO,
mort prieur de Caen. Il rédigea le « quartenier »
du prieuré,
copie de tous les anciens titres, « livre qui est un trésor
pour cette maison, dit son successeur, qui ne doit point être
produit aux yeux des gens du dehors ny indiscrets. » —
Jean Richard, 15I2, 1513. — François Lecomte, 1535, 1537.
— Michel Blandin, 1556. — Jean Guériel, 1568, 1573.
— Jacques Dupont, 1581, 1585. — Simon Pallory, provincial
de l'Ordre, 1595; il résidait.-- Marin Jupin, 1601. —
Jacques Dupont, 1604.— Nicolas Hébert, 1612. —
Laurent d'Escoubleau, 1618, inhumé dans « l'abbaye, »
1620. — Francois Robieu, 1625. — Pierre Gloron, 1626,1641
-- Sébastien de Guimel, 1643, 1648. --Antoine Caillet, 1651,
1670. — Louis Largiliers, 1677, 1678. - Michel Frontin, 1680,
1682.-- Jean de Guespel, 1683. — Francois Drouin, 1688, 1691
; il avait fait profession à Saint-Ursin aux mains du P. Caillet
en 1653. — Michel-Denis Feydeau de la Lande, 1691, 1727. Le
Frère Sylvestre Jupin, son socius, parle de lui avec un attendrissement
communicatif : « Ilne m' est pas possible de tenir mes larmes
, ecrit-il , au souvenir de toutes les bontés qu' il a eues
pour moi. Nous avons vécu trente huit ans ensemble dans une
étroite confiance et fidèle amitié. Il ne craignoit
rien tant que de me survivre , et j' avois la même appréhension
dans la crainte qu' il fût mal soigné, parcequ' il en
avoit besoin.» -- Sylvestre Jupin, 1733. --Jean Baptiste Gaillard
, 1738, 1746. -- N. de la Bouessière . -- Pierre Nicolas Besnier,
fils d' un
échevin de Paris, 1750, 1763 ; il devint prieur de Saint-Pierre
de Beaumont, et demeurait à Paris, rue du Temple, palais de
Strasbourg, reliquataire, disait-il, de 14.987# pour frais faits à
Saint-Ursin, 6.000# de mobilier et 6.000# apportées par lui
en dot.— M. Léchevin, malgré la suppression de
droit, garda son titre de prieur jusqu'en 1790.
Le chartrier de S.-U.. confié en 1770 à
M. Pialès, avocat à Paris, et rendu par lui à
la Chambre du clergé
du Mans, est réparti en trois dépots: Arch. de la S.,
fds munic., Lignières : Bibl. Sciences et arts de la S.;
cab. Brière. — H. Sauvage, notice mss sur Lignières.—
Comm. hist. de la M. ,t.IV, p.48,109.-- Grosse-Dupéron , vieux-Mayenne
, p.140. -- Cahier de doléances de Lignières. t. LXX,
f. 9.
Voir aussi RECIT par Ch. FERAULT : LES
CROISIERS et le PRIEURE de SAINT-URSIN (1ere partie)