Un récent article de Gil GALBRUN-CHOUTEAU (Maine-Découvertes
n°53) sur la vie d'Abel MAUDOUX constitue une occasion de synthèse
sur l'église de Lignières. Pour ce faire, nous nous
reporterons aussi au Dictionnaire de l'Abbé ANGOT (tome 2
et supplément de 1907) ainsi qu 'à d'autres sources
dont des écrits de Marcel LANGRIS.
Le monument actuel, placé sous le vocable de l'Assomption,
date de 1712/1713. Il fut érigé sous l'autorité
d'Abel MAUDOUX, curé, essentiellement à ses frais
pour un coût qui nous est inconnu car, disait-il, «
il s'était ennuyé de compter par écrit ».
Cette construction-imposante- fut faite à la place de l'ancienne
église sur laquelle nous disposons de fort peu de renseignements.
Le cimetière d'alors, au voisinage immédiat de l'édifice
et « planté d'ormeaux » en 1746, fut transféré
à son emplacement actuel en 1835. On sait que les travaux
d'aménagement de la place, réalisés au XX siècle,
ont permis de révéler des vestiges de cet ancien cimetière.
Qui était Abel MAUDOUX (nommé d'abord MANDOUX par
l'Abbé ANGOT) ?
Originaire du Maine, précisément de Requeil dans la
Sarthe où il naquit le 26 mai 1652, il devint séminariste
à Paris aux « Missions étrangères ».
Affecté au service du premier évêque de Québec
- Monseigneur de Laval-, il partit pour le Canada au printemps 1688,
fut ordonné prêtre le 31 mai et devint rapidement curé
de Trois-Rivières. Il y jouera, comme plus tard en Acadie,
un rôle aux multiples facettes tel que dévolu aux prêtres
de l'époque au sein de cette Congrégation : évangéliser
les « sauvages », les éduquer, les encadrer...
et les surveiller !
Il se retrouve ensuite à Port-Royal (Anapolis actuelle) où
il aura des fonctions importantes, mais de second niveau, entre
intrigues tant religieuses que politiques au milieu des Anglais
et des colons américains...sans oublier les épidémies
qui déciment ses Confrères. On parle de « Monsieur
MAUDOUX » en 1696 mais les avis de ses Supérieurs à
son sujet sont partagés...La période est féconde
en manoeuvres clanesques et l'aventure se termine avec l'abandon
de cette « Province » par Louis XIV...
Abel MAUDOUX est rappelé en France : il quitte le Canada
en 1702 et retrouve son diocèse d'origine en 1705 ou 1706,
à Requeil même en tant que « commis aux fonctions
curiales » où il ne restera pas longtemps car l'évêque
du Maine d'alors - Mgr Louis de La Vergne-Montenard de Tressan -
le nomme à la cure de Lignières-la-Doucelle au décès
de François CHEVALIER, le 6 mai 1707. Il va succéder
à ce « prestre fort pieux, prêchant fort bien
et avec onction » mais qui aura été présent
moins de deux années à Lignières.
Installé le 21 mai 1707 - à près de 55 ans
-, il forme rapidement le projet de construire une nouvelle église
dans cette paroisse importante de 510 feux (en 1696) et de 1996
habitants (en 1726). Les plans du futur bâtiment sont dressés
par lui-même. Il transforme la grange du presbytère
en lieu de culte où il officie à partir du 3 février
1712. L'ancienne église est démolie et la nouvelle
mise en chantier qui se terminera, en un temps record, quatorze
mois plus tard. Un excellent exemple de volonté positive
!
Le monument est classique, bâti selon les préceptes
de J.H MANSART, en forme de croix bien sûr, à toit
mansardé et à l'intérieur richement décoré
: marbres, pierres, peintures, rosaces travaillées et pilastres
corinthiens dorés à la feuille. Des pierres tombales
de l'ancien cimetière ont été récupérées
et insérées ; elles sont encore aujourd'hui bien visibles.
Le seigneur de Lignières donna le tableau de l'Assomption
-- vocable de l'église et thème imponant des Missions
étrangères-, détruit pendant la Révolution
et remplacé ensuite par la peinture actuelle. On nous dit
que le curé la meubla convenablement et donna deux autres
cloches en 1717. Une horloge, commandée à Conlie,
sera installée en 1729 sur un « dôme peu gracieux,
surmonté d'une flèche maigre». Les portes latérales
datent de 1753. Les deux confessionnaux « M. le Curé
» et « Prédicateur » remontent au XVIIIe
siècle. La façade sera transformée selon les
plans de l'architecte diocésain HAWKE en 1900, avec une tour
et une flèche que l'on connaît (plus quelques remaniements
depuis).
J.B HUTIN, curé de 1841 à 1865 fera exécuter
de nombreux travaux de décoration intérieure ainsi
que les trois autels en s'inspirant, pour le tombeau du maître-autel,
de celui de l'église abbatiale d'Evron (œuvre de M.BAUDRILLES
en 1856).
Abel MAUDOUX décède le 16 octobre 1736 « à
six heures du matin » à l'âge de 84 ans. Son
inhumation a lieu le lendemain « en présence de tout
le clergé et des habitants de cette paroisse ». Il
aura été curé de Lignières plus de vingt-neuf
ans, une durée à replacer dans les valeurs et les
âges de l'époque.
Une vie bien remplie, partagée entre les tumultes de ses
aventures américaines et sa longue présence à
Lignières.
Il a bâti et nous a laissé l'église surprenante
par son style et impressionnante par ses dimensions que nous utilisons
aujourd'hui.
L'église de Lignières vers 1910 : il y a près
d'un siècle et deux cents ans après sa construction