Qu'ils soient en bois, granité, fonte ou ciment, croix et calvaires
ponctuent notre paysage et notre quotidien.
Croyants ou non, nous les voyons. Ils font partie de nos habitudes.
Nous savons qu'ils se trouvent là où nous les attendons.
Que se passerait-il dans nos têtes si, un beau matin, ils n'étaient
plus là ? même si aujourd'hui, rares sont les personnes
qui se signent en passant devant eux.
Une étude importante a été conduite sur l'ensemble
du département par A. GUEGUEN, il y a une dizaine d'années.
Localement, Marcel LANGRIS a déjà proposé des textes
à leur sujet.
Aujourd'hui, notre ambition est différente et complémentaire
: faire un recensement de tout ce qui existe sur la commune. Cela prendra
du temps et nécessitera la coopération de chacun pour
retrouver des monuments cachés par le temps, dégradés,
mis en sûreté ou, tout simplement oubliés. Certains
sont d'ailleurs en péril.
Peut-être huit à dix Bulletins seront nécessaires
si l'on se fixe une limite d'étude à cinq ou six par année.
En tout cas, il s'agit en l'espèce d'un véritable patrimoine
à la fois religieux, historique et culturel qui mérite
respect et protection.
Un patrimoine menacé par les dégâts du temps et
de l'oubli. [A tel point qu'une Association de restauration du calvaire
de la Mayenne (ARCEM) a vu le jour qui a pour objet de « restaurer
les calvaires en péril en les refaisant à l'identique
« ].
C'est le cas, aussi, sur notre commune d'où un besoin préalable
d'identification.
Combien sont-ils ? Il est difficile de répondre
à cette question. Un quarantaine sans doute. Lignières-Orgères
dispose d'un vaste territoire mais avec de nombreuses zones boisées.
On en dénombre environ 6600 sur tout le département -
dont une centaine avec une épigraphie (science de l'étude
et de la connaissance des inscriptions) antérieure à la
Révolution.
La simple division par le nombre de communes ne signifie rien : il faut
tenir compte de la superficie, de la position géographique, des
usages et surtout de la foi de nos aïeux au cours des différentes
époques.
Nous verrons bien... à l'horizon 2013, à moins que l'on
ne décide d'aller plus vite.
Mais de quels monuments s'agit-il ?
Force est bien de reconnaître que nous utilisons les mêmes
mots pour désigner parfois des objets différents.
Un retour au sens des termes est donc nécessaire :
- une croix est un instrument de supplice,
- un calvaire correspond à une représentation, notamment
sculptée, de la scène dite
du Calvaire. Mais une croix en plein air est la commémoration
de la Passion du Christ et un
calvaire, l'élévation sur laquelle on a planté
une croix !
Généralement, on nomme calvaire une croix sur laquelle
est placé un Christ tandis qu'une « croix » -appelée
souvent « petite croix »- en est dépourvue mais
comporte parfois des inscriptions.
- un oratoire est une chapelle de dimensions restreintes, généralement
mais pas
toujours située dans une maison particulière,
- une chapelle est un édifice religieux comportant un autel
et n'ayant pas le titre de
paroisse,
- quant à une église, il s'agit du lieu de réunion
des Chrétiens pour y célébrer leur
culte.
On constate aisément que notre étude portera, en conséquence,
sur les trois premières catégories.
Ces monuments sont-ils publics ou privés ?
Question difficile. Pour certains c'est simple et tranché.
Pour d'autres le débat est ouvert et le recours au cadastre
laisse parfois perplexe... Dans ce domaine aussi, un appel est lancé
aux lecteurs.
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Pour démarrer nous avons choisi des monuments parmi
les plus connus, essentiellement en granité, répartis
sur la commune, et pour lesquels nous donnerons le maximum
d'informations aujourd'hui disponibles, à côté
de clichés qui permettront un utile report. Toute information
nouvelle à leur sujet serait la bienvenue.
Mais commençons !
Croix cémétériale d'Orgères
Située près de l'entrée ouest du cimetière
d'Orgères, cette croix de grande taille est très
ancienne : 1709. Elle a deux
usages : l'exhortation (« Priez pour les
trépassés [TRESPASSEZ] ») et la
commémoration (« 1709 - PLEMUNNIER »)
gravées sur son socle.
Elles correspond à une époque où les
tombes s'étaient individualisées dans les cimetières.
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Croix Legendre
Située à l'intersection des routes de Ciral et de la
Trévannière, en bordure immédiate du carrefour,
elle constitue un monument modeste de taille très bien conservé
et splendide lorsqu'on prend le temps de l'observer.
Elle correspond à une « croix de chemin » c'est-à-dire
à une tradition funéraire routière, édifiée
par Michel Breton (M. BRET) et Jeanne Legendre (I. LEG)en 1727.
Suit la mention « Requi escant i n pace »
(qu'ils reposent en paix) sur trois lignes et selon une coupure qui
ne correspond pas à la fin de chaque mot telle que nous la
connaissons.
Franchissons maintenant un long espace de temps.
La révolution française, en effet, avait, par une loi
du 29 septembre 1795 (7 vendémiaire an IV), interdit tout «
signe particulier à un culte... en quelque lieu que ce soit
». Ce texte ajoutait : « ceux qui existent seront enlevés...
».
[L'histoire est bien « un éternel recommencement »
: cf. nos débats en fin 2003 !]
Combien disparurent ? il est difficile de répondre et dans
nos terres profondément catholiques, la résistance -ou
plutôt l'inaction- fut sans doute grande. Mais il fallut attendre
les années 1850 pour arriver à une rechristianisation
de l'espace importante et dense.
En voici quelques illustrations :
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Calvaire du bourg de Lignières,
à l'intersection des routes de Ciral et de Pré-en-Pail.
Situé à la sortie du bourg de Lignières et
précédant les villages de La Brunetière et
de La Teinture, maintenant intégrés, ce monument
du XIXe, non daté et sans inscriptions, fait vraiment partie
du paysage de la commune.
Situé dans un enclos de pierres et précédé
d'une grille métallique ouvragée, il fut longtemps
cerné de grands cyprès et de genévriers qui
restèrent dans le même état ou presque au
XXe siècle. En témoignent les cartes postales des
années 1900.
Aujourd'hui ce lieu représente un havre de paix, judicieusement
fleuri. |
Passons maintenant à quelques monuments de la seconde moitié
du XIXe siècle, qui correspondent donc à l'époque
de rechristianisation des paysages.
Sont-ils « de fermes », « de demeures », ou
plus simplement « de lieux » ? ce n'est pas très
important. Ils appartiennent à la catégorie la plus
nombreuse -au moins 5000 en Mayenne- et ont été édifiés
pour des raisons variées.
On en prendra trois exemples que l'on présentera par ordre
chronologique de datation ; on les connaît, en général,
par le(s) nom(s), de leur(s) propriétaire(s) :
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- Rue de Normandie, anciennement
route de Carrouges, se trouve, sans croix aujourd'hui et derrière
une petite barrière, un monument daté de 1866, dressé
par (et pour) JEAN VANNIER et MARIE LEROYER avec au préalable
l'inscription sur trois lignes « O crux ave spes unica »
(« Salut ô croix, espérance unique »
ou bien « Je vous salue,ô croix, notre unique espérance
»). |
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- Route de Couptrain, après
le village de la Plingère puis la route de Saint-Ursin,
à l'angle des deux voies, se trouve la croix JACQUES CHEVR(E)UL
dont le dernier E n'est pas gravé ; elle date de 1869.
Longtemps bien entretenue et comportant une niche, aujourd'hui
vide, entre les branches de sa croix, elle est actuellement soumise
aux assauts de la végétation. |
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- Un peu plus loin, avant le carrefour avec la
route menant à droite au village de La Vannerie,
se dresse une croix au haut fût, en bon état d'entretien,
dressée en 1888 par et pour MARIE RIPAUX et SA FILLE.
Elle porte également, mais sur deux lignes, l'inscription
« O crux ave spes unica ».
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[On fera remarquer que deux erreurs se sont glissées dans
le remarquable ouvrage de A. GUÉGUEN cité dans cet article
: les croix dites de La Plingère et de La Vannerie y sont inversées
et la date de la seconde est erronée : il ne s'agit pas de
1890 mais de 1888].
(A suivre...)
NB : le but de cet article était de commencer
à présenter nos croix et calvaires et non de réaliser
des études sur les personnes mentionnées. Cela serait,
bien sûr, fort intéressant mais ne pourra être
conduit que plus tard, une fois l'inventaire descriptif achevé.