Dans les jours qui précèdent cette grande date, plusieurs
prisonniers sont rentrés à Lignières mais la
plupart se trouvent encore en Allemagne et attendent avec impatience
leur libération. Nous sentons bien que le nazisme est à
l'agonie, mais cela tarde... .Pourtant, les communiqués des
troupes laissent à penser que la fin approche.
Le 8 mai, coup de tonnerre : l'Allemagne capitule, la guerre est
terminée ; enfin celle qui nous concerne car pour d'autres
elle ne finira, hélas, que plus tard.
Dans Lignières, c'est la joie ! Le travail s'arrête,
les gens se rassemblent dans les rues, les cloches de l'église
sonnent à toute volée : elles fêtent la fin
d'un cauchemar qu'elles avaient annoncé au mois de septembre
1939 en tintant tout l'après-midi.
Jean LAGRUE installe un drapeau tricolore dans un hublot du clocher.
Il y pourrira au bout de quelques années.
A la tombée de la nuit, l'équipe des « inséparables
» Jean LAGRUE, Raymond RIBOT et André ROBERT ainsi
que quelques autres descendent à La Cornière pour
y tirer un feu d'artifice avec des fusées récupérées
lors de la Libération. Comme ils ne disposent pas de revolver
à fusée, ils se « débrouillent ».
Cela ne valait sans doute pas celui de la fête communale mais
il marquait la fin d'une période très noire et il
était donc le plus beau...même si les gens continuaient,
ailleurs, à s'entretuer.
Retour au bourg ensuite pour un bal dans la salle du café-épicerie
de Madame REBOURS dont le mari était encore prisonnier (maison
aujourd'hui de Madame LEBONHOMME ; la salle du café jouxtait
le bureau de tabac actuel de Micheline et Gabriel LEMASSON). La
danse a déjà commencé avec de nombreux jeunes,
garçons et filles. Il y a aussi des moins jeunes. Tout le
monde participe ou plutôt gesticule car beaucoup ne savent
pas danser, les bals étant interdits sous l'Occupation. La
salle est comble et l'ambiance euphorique. L' « orchestre
» se compose d'un accordéoniste d'Orgères-la-Roche.
Le musicien ne connaît qu'un seul morceau et il jouera toute
la nuite la même rengaine ; mais qu'importé, c'est
la joie qui domine !
Au cours de la soirée, Fernand BROUSSIN fait son apparition
: c'est un des premiers prisonniers libérés, arrivé
depuis quelques jours à Lignières ; il chante en dansant
des chansons anti-nazi apprises au Stalag.
Le jour pointe, la nuit a passé vite ! Les gens partent et
rentrent chez eux.
Notre petit bande ne veut pas terminer si tôt et nous décidons
d'aller à vélo poursuivre la fête
à Pré-en-pail - « Mado » (Madeleine CHOLIN)-
nous accompagne.
Cette journée, inoubliable, fut, au total, plus fêtée
que la Libération.